La Nuit Etoilée fu
t une revue illustrée rédigée par des artistes, des écrivains et des chercheurs internationaux.
Son regard exigeant et libre parcourait les arts passés et présents,
l'image et le langage,
dans des travaux inédits et de qualité.

Ce blog réunit quelques articles des 7 numéros parus de 2010 à 2012.

samedi 5 février 2011

L'exil comme point de départ


Un célèbre exilé: Pouchkine.
Les adieux de Pouchkine à la mer, Ilya Repine
et Ivan Aivazovsky, 1877.
par Dorothée Sers-Hermann


En partant, en s'exilant, on quitte le confort d’un chez-soi parfois illusoire, en tout cas devenu peu régénérant par les habitudes; ce qui peut donner lieu à une renaissance...
Pour rencontrer la vérité, il y a nécessité de se mettre en route. Partir, s’exiler de nos propres idées, que ce soit sur la route de l'esprit ou celle plus tangible du pays, contient la possibilité de s’ouvrir à l’universel, de quitter un savoir ancien et confortable pour se mettre en jeu et accueillir le différent. En partant en voyage, on quitte le confort d’un chez-soi parfois illusoire, en tout cas devenu peu régénérant par les habitudes. Le voyage est l’occasion d’enlever ses oeillères et de comprendre mieux l’univers, et les « choses vues » viennent mettre en perspective le quotidien, l’enrichissant du savoir d’autres lieux et d’autres coutumes : en revenant, on n’est plus le même.
L’exil, dont notre histoire est construite, est aussi une recherche d’appartenance. Fuir la violence ou la misère signifie les refuser; dans le fond, c’est presque une protestation éthique contre l’atmosphère du pays natal. « Il faut fleurir là où l’on a été semé », disait saint François de Sales ; mais si la floraison est compromise, ne reste qu’à aller chercher meilleur terreau ailleurs. Parfois l’abandon des biens terrestres que l’on effectue ainsi donne un formidable coup d’élan : le poids de la matière est laissé derrière soi. Le risque pris, d’être rejeté par le pays d’accueil, d’être pauvre, etc., se transforme en outil et en richesse : venant d’ailleurs,
je deviens plus fécond dans une autre terre.
C’est ainsi que la formidable richesse culturelle de Paris est fondée en partie sur sa capacité  (peut-être en danger, d'ailleurs) de melting pot, c’est-à-dire sur l’attraction que la capitale exerce sur les artistes, révolutionnaires et autres personnes de tous bords « dissidents », rejetées de leurs pays et venant trouver asile, et qui savent souvent mieux que les Français "pure souche" ce qui fait l'identité de la France. Sans les exilés, d’où aurions-nous pu apprendre à être d’avant-garde, à nous exiler de nos conforts pour nous aventurer sur les chemins de l’art ? Ils nous montrent comment être libérés de l'opinion publique et de l'ordre établi, car n'ayant rien, ils peuvent pourtant tout.

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