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Philippe de Champaigne, Vanité, 1644 (Musée de Tessé, Le Mans) |
Par Dorothée Sers-Hermann
Un petit tour d'horizon d'un symbole qui parcourt l'art depuis l'Antiquité: la vanité, ou plus exactement le memento mori.
Le memento mori,
littéralement « souviens-toi que tu vas mourir », est un genre
particulièrement présent dans la peinture et la poésie. On trouve ses origines
dans l’Antiquité ; lors des triomphes romains, un esclave était présent
derrière le vainqueur défilant sous la couronne de lauriers ; cet esclave
était chargé de rappeler au vainqueur, par cette maxime, sa mort prochaine et la fugacité de sa
gloire.
Mais c’est véritablement au XVe et XVIe siècles
que le genre explose. La nature morte, symbole d’abondance et de prospérité, du
carpe diem, qui existait depuis les
débuts de la représentation, s’associe soudain au rappel du temps qui passe. À
côté de la corne d’abondance du présent, apparaissent le crâne – symbole
évident – et d’autres objets faisant plus subtilement allusion au temps :
instruments de musique dont la mélodie s’est tue, bijoux – vanité de la
richesse et de la gloire –, verres (bientôt brisés ?), pages d’écriture
dont on ne sait si elles vont subsister, instruments de mesure mathématiques,
comme dans le célèbre tableau d’Holbein Les
ambassadeurs. Dans la très célèbre Vanité
de Philippe de Champaigne (ci-contre) sont rassemblés les éléments
essentiels : crâne, sablier en train de s’écouler – à moitié plein, à
moitié vide – et enfin la fleur, ici une tulipe, fleur très prisée au XVIIe
siècle. Le tableau ne permet point d’équivoque : on est ici face au
temps, et plus particulièrement devant une allégorie simple, qui évoque les
trois âges de la vie : la jeunesse dans la fleur qui s’entrouvre, colorée,
fraîche ; la maturité dans le sablier à moitié écoulé, temps de raison où
l’on saisit à la fois la jeunesse passée et la vieillesse à venir ; enfin,
la vieillesse, consciente de la mort prochaine. Mais l’ordre des choses se
trouve bousculé ; le tableau porte en son centre la conscience de la mort,
car c’est par cela que nous nous définissons humains. Le peintre attire
l’attention sur ce qui est le plus important ; bien vivre au jour le jour
est le devoir de l’homme. En ce sens, la vanité est un genre de peinture et de
poésie qui s’apparente à la réflexion philosophique et plus particulièrement à
une expérience fondatrice, bouleversante, qui va pousser le spectateur à
s’interroger sur le vide et le plein de la vie.
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