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Couverture de la revue De Stijl |
Voici un des textes fondamentaux du mouvement De Stijl, le deuxième manifeste de ce groupement d'artistes légendaire ; rédigé en avril 1920 par Theo Van Doesburg, Piet Mondrian et Antony Kok à Leyde, en Hollande, il porte spécialement sur le langage de l'art, demandant à "donner une nouvelle force à la parole et à l'expression". Le texte n'a perdu ni de son actualité, ni de sa pertinence, rendue peut-être encore plus manifeste 90 ans plus tard...
Le fac-simile du premier manifeste de la revue De Stijl est disponible sur Wikipédia.
LA LITTÉRATURE
l’organisme de la littérature contemporaine vit encore de la
sentimentalité d’une génération affaiblie
la parole est morte
les clichés naturalistes et les films dramatiques de mots
que
les fabricants nous fournissent
par
mètre et au poids
ne contiennent rien des nouveaux coups d’audace de notre vie
la parole est
impuissante
la poésie asthmatique et sentimentale
le « moi » et « lui »
qui
est toujours usité partout
et
principalement en hollande
est sous l’influence d’un individualisme craintif de
l’espace
résidu
fermenté d’un temps vieilli
et nous remplit de dégoût
la psychologie dans notre littérature romanesque
ne repose que sur l’imagination subjective
l’analyse psychologique
et la rhétorique encombrante
ont
tué la signification du mot
tué la signification du mot
ces phrases soigneusement mises l’une après l’autre et l’une
en dessous de l’autre
cette phraséologie FRONTALE
et sèche
dans
laquelle les réalistes anciens présentaient leur expérience bornée
à eux-mêmes
sont entièrement impuissantes et ne peuvent exprimer les
expériences collectives de notre temps
de même que l’ancienne conception de la vie
les livres sont basés sur la
longueur la durée
ils sont
volumineux
la nouvelle conception de la vie réside dans la
profondeur et l’intensité
et ainsi nous voulons la poésie
pour construire littérairement les événements multiples
autour
de nous et à travers de nous
il est nécessaire que la parole soit ainsi reconstituée
aussi
bien suivant le son que suivant l’idée
si dans l’ancienne poésie
par
la domination des sentiments relatifs et subjectifs
la signification intrinsèque de la parole est détruite
nous voulons par tous les moyens qui sont à notre
disposition
la
syntaxe
la
prosodie
la
typographie
l’arithmétique
l’orthographie
donner une nouvelle signification de la parole et une
nouvelle force à l’expression
la dualité entre la prose et la poésie ne peut subsister
la dualité entre le contenu et la forme ne peut subsister
alors pour l’écrivain moderne la forme aura une signification directement spirituelle
il ne décrira aucun événement
il ne décrira
point
mais il ecrira
il recréera en la
parole le collectif des événements :
unité constructive du
contenu et de la forme
nous comptons sur l’appui moral et esthétique de tous ceux
qui collaborent à la rénovation spirituelle du monde
leyde-hollande avril 1920
theo van doesburg/ piet mondriaan/ antony kok
[Manifeste II du mouvement De Stijl, 1920]
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